Après la 2ème journée "Pastoralisme et Développement durable" , une dynamique à construire


Rédigé le Lundi 27 Avril 2015 à 15:45 | Lu 599 fois


METHODES ET PISTES DE TRAVAIL POUR POURSUIVRE LA DEMARCHE

L’initiative de l’association et sa démarche en faveur de l’organisation annuelle d’une journée d’étude annuelle portant sur le pastoralisme commande une organisation en amont pour décider notamment des thèmes à traiter.
Nous présentons ici une proposition de méthode destinée à enclencher une dynamique qui pourrait contribuer à impulser et donner sa place au pastoralisme au sein de l’économie corse.
Les interventions successives résumées ci-dessus suggèrent des pistes possibles d’approfondissement autour de cinq thèmes. Ces thèmes, présentés ci-dessous restent ouverts à vos remarques ; d’autres points méritent probablement d’être retenus ; la liste est issue de notre propre interprétation de la journée, elle n’est en aucun cas exhaustive.
Chacun des thèmes concourt, depuis un point de vue particulier (activité ou discipline) à repositionner le pastoralisme corse dans ses dimensions pratiques, théoriques, axiologiques voire stratégiques. C’est à partir de cette posture qu’il nous semble possible de formuler des énoncés utiles à la réflexion et au débat régional sur la place et le devenir des activités pastorales.
I) Quelle méthode ?
De nombreux échanges au sein de l’association et au-delà, ont été nécessaires pour décider d’une méthode conforme à l’ambition du projet. Convaincus de ce que nous ne souhaitions pas faire, nous étions néanmoins dans le doute sur le chemin à prendre.
Traiter d’une question sur des choix sociétaux suppose d’éviter de le confiner à une assemblée constituée de personnels politiques. Par ailleurs, la question du pastoralisme nous apparaît à la fois culturelle, sociale, technique, politique, historique, bref identitaire (pour employer un mot facile). Dès lors, il va de soi que la question n’est la prérogative d’aucun expert en particulier. Enfin, il fallait raisonner une position distincte d’échanges strictement communautaires ou à l’opposé strictement institutionnels, certes nécessaires mais qui risquent d’aliéner la parole et la réflexion à des postures. En définitive, nous sommes arrivés au constat que l’assemblée que nous devions constituer n’existait pas dans le paysage civil et politique de la Corse et qu’il fallait l’inventer dans sa composition et son fonctionnement.
Nous avons opté pour l’organisation de réunions exploratoires telles qu’elles se sont tenues en 2008 et 2009. A la charge de l’assemblée ainsi constituée de délibérer sur son fonctionnement et l’organisation de la journée annuelle. L’implication des participants au sein des ateliers qui vont être mis en place pour chacun des thèmes est essentielle pour constituer des dossiers solides. Ceux-ci seront présentés lors de la prochaine Journée Annuelle du Pastoralisme et du Développement Durable avec comme perspective une structuration plus importante.
 
  II) Les pistes de travail
1) L’économie du pastoralisme dans la Corse contemporaine

Les interrogations et les remarques de Jacques Orsoni donnent à penser que le pastoralisme en tant qu’activité économique reste mal connu, notamment dans ses rapports à l’économie régionale (place, contribution, richesses, flux, démographie, etc.) et aux autres activités (tourisme notamment). Bien que Christophe Le Garignon nous ait apporté quelques précisions sur les effectifs et les niveaux de revenus qui mettent en évidence une décroissance spectaculaire du secteur, nous manquons de données opérationnelles. Si des chiffres technico-économiques et comptables existent, ils ne permettent pas de repérer les dynamiques à l’œuvre et d’en inférer des éléments de prospectives. Ce premier atelier devra à la fois rassembler les données et informations disponibles et leur donner du sens
Un des enjeux est de mettre à jour les atouts économiques du pastoralisme susceptibles d’apporter de la richesse et/ou du bien être à la population insulaire (produits, paysages, lieux de vie).
A un niveau plus prospectif, il faudra aussi dresser le visage de l’île en l’absence de tout élevage et d’envisager alors les coûts de gestion de la production de l’espace insulaire et l’avenir des autres activités notamment celles liées à l’accueil. De là, la place du pastoralisme dans la production des richesses insulaires (agroalimentaire) en tant que producteur de biens et d’espaces est posée ainsi que leur complémentarité avec d’autres activités. Ce dernier point reste en effet peu explicite ; le pastoralisme doit-il faire face, être aux cotés ou en retrait du tourisme (décor d’une avant scène réservée) ? Comment documenter et chiffrer ces complémentarités ?

2) Conduites des élevages pastoraux et dynamiques des milieux naturels

En perdant une grande partie de leurs liens au village, les Corses aujourd’hui très majoritairement urbains ont une représentation souvent trompeuse des milieux naturels corses. La faune, la flore, les paysages, leur apparaissent comme les produits directement et complètement issus de la Nature. Cette représentation fantasmée est largement soutenue par une approche politique et des enseignements universitaires qui ne parviennent que partiellement à intégrer les activités humaines dans la compréhension des processus de production des milieux naturels.
De telles représentations ne sont pas étrangères à la déqualification des activités pastorales et à une conception hyper environnementaliste du développement insulaire.
Le thème présenté se propose de mettre en évidence les contributions historiques et contemporaines du pastoralisme à la construction de l’environnement insulaire sans omettre les dégradations que ce dernier fait peser sur le patrimoine humain et naturel.
Il s’agit de questionner les voies de passages pratiques et théoriques du concept d’écosystème à la notion de système agropastoral et rural. Il convient ici d’examiner les rapports entre pastoralisme et milieux naturels.

3) Organisation et gestion de l’élevage pastoral : initiatives et enjeux pour la région

Le besoin de définir quelles sont les forme d’élevage qu’il convient d’appeler pastoral a été exprimé par Pierre Santucci. En effet, de quelles techniques, de quel mode de conduite, de quelle utilisation de l’espace parle-t-on lorsque l’on parle d’élevage pastoral ? On se situe ici dans une problématique de gestion et d’organisation des systèmes d’élevage, dans laquelle la durabilité est saisie dans sa dimension organisationnelle : territoires pastoraux et leur environnement.
Des initiatives de gestion engagées par l’association A Muntagnera et la Chambre Régionale d’Agriculture sont prometteuses. Martin Vadella (AFP) et Jean-Pierre Ottaviani (Plan d’Action Pastoral) soulignent le problème crucial à la fois juridique et technique que rencontrent les acteurs, éleveurs, techniciens et décideurs pour stabiliser une ou plusieurs formes de gestion de ce type d’élevage (système technique, situation foncière, mode de faire valoir). Il en ressort des enjeux d’identification des obstacles et des modèles susceptibles d’être appropriés et adoptés par la diversité des acteurs, partie prenante des opérations de gestion.
Cette visée prospective présuppose la production d’indicateurs suffisamment précis et fiables pour faire le point ou mettre en discussion les actions de développement engagées ces trente dernières années dans le domaine du pastoralisme.

4) La figure du berger dans la Corse contemporaine : rôles, images sociales et symboles

Rares sont les régions où la représentation de l’agriculture voire du rural (ce qu’il est convenu d’appeler…) s’est forgée en quasi-totalité, comme chez nous, autour de la figure du berger. Il n’est pas abusif de dire que lorsque le Corse pense sa région, son village, son espace, il le fait par la médiation des produits de l’élevage pastoral incarnés par le berger. Le délitement récent des liens avec le village conduit à un décalage entre des images sociales plurielles et la forte prégnance du symbole que véhicule encore « u pastore ». Ghjacumu Thiers nous interroge sur ce décalage qu’il pense être à l’origine d’une requalification inaccomplie du métier de berger dans la Corse contemporaine. Quelles représentations se donnent les Corses de « leurs éleveurs » ? Comment ces derniers se redéfinissent eux-mêmes per se et pour les autres : Corses, résidents et touristes ? Quels sont les symboles et les images mobilisés dans ces jeux de composition identitaire ?
Cet atelier pourra expliciter ces questions à caractères anthropologique et sociologique qui entretiennent un rapport avec les processus de construction identitaire en cours dans l’île. Une des questions à approfondir de la figure du berger qui pourrait se dissoudre avec d’autres réalités comme celle plus statutaire ou professionnelle de l’agriculteur si celle-ci venait à disparaître au profit de figures alternatives telles que celles du rural, du gardien de parc ou du montagnard.

5) Convergences et divergences des politiques publiques vis-à-vis du pastoralisme insulaire

De façon surprenante, le pastoralisme est présenté dans les documents de programmation des politiques publiques comme la survivance de pratiques passéistes, lorsqu’il n’est pas réduit à des pratiques d’élevage déviantes. Ainsi, il a été souligné que rien ou presque n’est dit dans le « PADDUC » des enjeux spatiaux et économiques posés par cette activité. Voilà une activité ancienne de plusieurs millénaires, à l’origine des référentiels les plus prégnants de l’identité corse, qui paraît ignorée des politiques.
D’évidence, la 1ère interrogation porte sur ce déni. Comment est-il possible de ne pas prendre la mesure du rôle du pastoralisme alors que les questions de gestion de l’espace, d’environnement, de lutte contre les incendies, du rapport à la nature, sont au cœur des enjeux contemporains.
Comment est-il possible ce ne pas prendre la mesure du rôle du pastoralisme alors que les questions de gestion de l’espace, d’environnement, de lutte contre les incendies et du rapport à la nature sont au cœur des enjeux contemporains ?Concernant les politiques engagées par les professionnels, le pastoralisme n’est pas d’avantage valorisé. Les rares initiatives prises et présentées ici sont d’autant plus méritantes. Peu de professionnels ont su déceler dans ce mode d’élevage un moyen original de faire valoir des conditions de production réputées « difficiles ». L’utilisation de l’espace et de la végétation spontanée comme ressources est aujourd’hui très faiblement valorisée. Or, le pastoralisme devrait rencontrer les attentes sociétales du fait même de ce mode d’élevage : on peut citer comme atout la « naturalité des produits », la « production des paysages » ou encore le « bien être animal ».
Les échanges s’attacheront ici à produire un argumentaire critique concernant la mise en œuvre des politiques appliquées au pastoralisme, qu’il s’agisse des politiques locales, nationales ou communautaires. La visée étant d’identifier sous quelles conditions l’action publique est en capacité d’assurer le renouvellement des activités pastorales (ressource, savoirs de métiers, écosystèmes).